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Fibromyalgie associée

Un tableau clinique entièrement compatible avec le diagnostic de FM se rencontre, avec une fréquence excluant la coïncidence, chez des patients souffrant d’une maladie identifiable.
Dans une récente étude épidémiologique de cohorte [26] portant sur un échantillon de la population générale de 62.000 sujets, 2595 patients atteints de FM ont été détectés (4,18%) ; les principales affections associées étaient – outre l’anxiété, les céphalées, les colopathies fonctionnelles, habituelles dans la FM dite primitive – la polyarthrite rhumatoïde (PR) et le lupus érythémateux systémique (LES) avec un risque relatif respectivement de 7,05 et 2,14% par rapport à la population générale. Dans une autre étude [27] regroupant 11.866 polyarthritiques, la FM était présente chez 1731 (14,58%), et la PR était plus sévère, plus difficile à contrôler, et plus souvent associée à un diabète et un syndrome dépressif. Concernant le LES, on a signalé une prévalence de 17,3% de la FM [28], affectant la qualité de vie des patients. Dans une population mexicaine (où la FM est relativement peu fréquente), une prévalence de 9,5% a été signalée au cours du LES [29].
Le syndrome de Sjögren (SGS) est également une affection souvent associée. Une équipe italienne [30] a étudié la prévalence et les signes distinctifs de la FM dans une étude contrôlée appariant sujets sains, patients diabétiques, patients atteints de SGS et patients souffrant de FM primitive. Le diagnostic de FM a été porté dans 22% des cas de SGS, chez 12,2% des diabétiques et 3,3% des contrôles sains. Les patients atteints d’un SGS primitif associé à une FM avaient une maladie moins sévère que ceux n’ayant pas cette association.
Un tableau de FM a été également signalé, dans plusieurs publications, chez des porteurs chroniques du virus de l’hépatite C, encore que cette association ait été récemment contestée [31]. Il en est de même chez les porteurs d’anticorps anti-thyroïdiens [32] et au cours d’insuffisances thyroïdiennes [33].
Faut-il considérer ces formes associées comme distinctes de la FM « primitive » ? Dans l’état actuel des connaissances, la signification du lien entre ces maladies ou états pathologiques parfaitement définis et la FM qui les accompagne échappe. De ce fait, et parce que rien ne distinguait à l’analyse ces formes associées de la FM isolée, ou primitive, WOLFE et al., lors de l’établissement des critères de classification de l’ACR, avaient pris le parti de les désigner « FM secondaires-concomitantes » et de ne pas en faire des critères d’exclusion. Rien n’est venu, lors des 15 dernières années, éclairer le débat. Tout au plus peut-on remarquer qu’aucun exemple n’a été publié de guérison du syndrome de FM par un traitement efficace de la maladie associée, ce qui plaide plutôt pour la classification de ces formes associées comme authentiques FM.
Inversement, d’autres associations signalées [34], pathologies musculaires métaboliques, diabètes phosphorés, traitements par les hypocholestérolémiants, par les antiaromatases, états douloureux des diabétiques, paraissent avoir une signification différente puisque les symptômes de FM suivent après traitement le sort de la maladie concomitante, ou régressent après arrêt du médicament incriminé : plus que d’associations il s’agirait ici de diagnostics différentiels.

Le syndrome de fatigue chronique

Le syndrome de fatigue chronique (SFC) est décrit comme un état d’asthénie datant d’au moins six mois, sans cause, non atténué par le repos et entraînant une baisse de plus de 50% de l’activité quotidienne. Symptôme dominant, la fatigue s’accompagne de douleurs articulaires et musculaires, de troubles du sommeil, de céphalée, de troubles cognitifs, de fébricule, de douleur pharyngée et d’adénopathies cervicales.
Le SFC a donc beaucoup de ressemblance avec la FM, dont il partage en outre la chronicité et la faible sensibilité aux traitements. La différence principale entre l’un et l’autre semble être le premier symptôme mis en avant : fatigue dans le SFC, douleur dans la FM. Il est intéressant de constater à ce sujet que les malades se réclamant de l’une ou l’autre maladie se sont groupés en France dans une commune association.
Toutefois, en l’absence d’indications sur la nature et de l’origine du SFC, cette proximité n’apporte pas d’éclairage nouveau sur la FM.

Évolution, pronostic et conséquences sociales de la fibromyalgie

L’évolution de la FM est chronique, et peu sensible aux mesures mises en œuvre pour la combattre. La patiente consulte généralement alors que les troubles sont installés depuis des mois ou années, et son état n’est souvent guère modifié après plusieurs années d’observation. Les points douloureux restent notamment assez constants alors que les autres symptômes peuvent se modifier [11].
La douleur chronique, la raideur et la fatigue limitent les capacités fonctionnelles des patients qu’il s’agisse des activités quotidiennes ou professionnelles. Les tâches impliquant des efforts musculaires répétés ou en élévation des bras sont difficilement supportées. Le maintien au travail est souhaitable, surtout si l’on a pu adapter le poste aux capacités physiques de la patiente [35]. Une étude suédoise a montré que parmi 176 femmes souffrant de FM, 15 % travaillaient à temps complet et 35 % à mi-temps. Pour 99 % de celles qui travaillaient la capacité de travail était réduite mais maintenue grâce à la compréhension de l’employeur et l’aménagement du poste, en fonction de l’état individuel. S’agissant des patientes qui ne travaillaient pas, la FM était en cause selon les intéressées dans 23 % des cas.
Il importe de remarquer que les études sur le retentissement social et professionnel de la FM ont été généralement faites sur des formes sévères du syndrome, chez des patients qui consultent dans des centres de prise en charge de la douleur. Elles ne concernent pas toutes les personnes qui répondent aux critères de classification, lesquelles peuvent à l’extrême n’exprimer aucune plainte spontanée [14].
La présentation clinique et la capacité fonctionnelle sont en fait très variables d’un patient à l’autre et d’un jour à l’autre, en fonction des facteurs d’environnement, de l’état psychologique, des problèmes sociaux. On n’observe pas d’aggravation avec les années mais une stabilisation, voir même une légère amélioration à long terme [16, 25].
Pour évaluer l’aspect pluridimensionnel où s’associent, douleur, fatigue, perturbation du sommeil, et perturbations fonctionnelles, de nombreux instruments ont été proposés ayant chacun ses inconvénients. La recherche s’oriente vers la mise au point d’un index composite, prenant en compte les différents paramètres et permettant un diagnostic et le suivi [36].
Le « Fibromyalgia Impact Questionnaire » (FIQ) [37] est un instrument auto administré et qui mesure la fonction physique, les possibilités de travail, la dépression, l’anxiété, le sommeil, la douleur, la raideur, la fatigue et la sensation de bien-être. Ce questionnaire d’évaluation a le mérite d’avoir été traduit, validé et adapté en français sous le nom de « Questionnaire de mesure d’Impact de la Fibromyalgie » (QIF) [38] (annexe 2).


Physiopathologie

La physiopathologie de la douleur fibromyalgique a fait – et fait toujours – l’objet de nombreux travaux d’où ne se dégage encore aucun schéma explicatif complet. Toutefois, après l’abandon de toute explication fondée sur des anomalies musculaires primitives, les recherches se concentrent principalement sur un désordre central de la modulation douloureuse, et accessoirement sur des anomalies fonctionnelles de l’axe diencéphalo-hypophyso-surrénalien.

Un désordre central de la modulation douloureuse

La constatation clinique essentielle dans la FM, celle-là même qui justifie le choix en tant que critère de classification des points douloureux à la pression, est qu’il existe chez les patients qui en sont atteints un abaissement du seuil de perception douloureuse, avec induction de douleur par un stimulus qui n’en induit pas à l’état normal (allodynie). Cet abaissement du seuil douloureux a été abondamment démontré, non seulement pour la pression, mais aussi pour des stimuli thermiques et électriques, et on a même signalé une amplification sensorielle, comportant hyperacousie et hypersensibilité vestibulaire.
Ces anomalies sont imputées à une exacerbation de phénomène de sensibilisation (windup) du deuxième neurone [39]. Les récepteurs NMDA (N-methyl-D-aspartate) sont impliqués à ce niveau, et l’effet favorable de leur antagoniste, la kétamine, sur la douleur des fibromyalgiques apporte un argument à ce mécanisme.
Les anomalies observées dans la FM du taux de certains neuromodulateurs, ou de leurs métabolites confortent et pourraient éclairer cette conception.
Plusieurs travaux ont montré chez les patients une diminution du taux sérique de sérotonine, de même que du taux de son métabolite, l’acide 5HIA, dans le LCR. Or la sérotonine intervient dans la modulation douloureuse en diminuant la nociception, par une action dans la corne postérieure de la moelle et à l’étage supraspinal. Elle intervient aussi dans la régulation du sommeil. Un trouble du métabolisme de la sérotonine peut également être invoqué pour expliquer la céphalée, la dépression et la colopathie fonctionnelle. Un grand intérêt s’attache donc aux travaux sur le polymorphisme des gènes du système sérotoninergique, en particulier aux anomalies, observées dans la FM, du promoteur du gène de transport de la sérotonine [40].
D’autres anomalies des neuromodulateurs ont été signalées : taux élevé dans le LCR de la substance P, qui pourrait avoir un rôle dans la sensibilisation médullaire ; élévation du taux de nerve growth factor (NGF), mais en l’absence de groupe témoin, la spécificité de ces constatations n’est pas appréciable.

Des désordres concernant le SNC supraspinal sont d’autre part observés. Les fibromyalgiques montrent, par rapport aux sujets normaux, un déficit des contrôles inhibiteurs de la douleur.
La débimétrie cérébrale, par tomographie par émission de positons (TEP), a montré chez les FM par rapport aux témoins, une réduction des flux sanguins cérébraux dans le thalamus et le noyau caudé [41], dans le thalamus, le tegmentum pontin et le noyau lenticulaire [42], constatations qui pourraient, précisément, rendre compte de la réduction des processus centraux d’inhibition de la transmission douloureuse.
L’IRM fonctionnelle a permis de comparer la forme d’activation cérébrale suite à une stimulation périphérique chez des patients atteints de FM et chez des témoins [43]. La stimulation par une pression telle qu’elle provoque une douleur identique chez les malades et les témoins entraînait, chez les uns et les autres, une répartition similaire des régions activées, alors qu’une pression identique entraînait l’activation de régions plus nombreuses chez les patients. D’où les auteurs concluent que la FM est caractérisée par une augmentation du traitement cortical et sous-cortical de la douleur.
Ces anomalies de l’imagerie cérébrale sont les acquisitions les plus importantes des dernières années pour ce qui est de la FM. Outre qu’elles confortent le syndrome clinique d’un complément objectif qui lui faisait défaut jusqu’à présent, elles permettent de concevoir, sans plus de précision dans l’immédiat, les centre nerveux supraspinaux comme origine commune de tous ces éléments : anomalies de la perception douloureuse, troubles du sommeil, fatigue, troubles cognitifs, anxiété, dépression.

Des anomalies neuro-endocriniennes

Face à cette piste physiopathologique privilégiée, les hypothèses neuroendocriniennes de la fibromyalgie, nombreuses et anciennes, paraissent aujourd’hui dépassées.
Le dysfonctionnement de l’axe hypothalamo-hypophysaire et du système nerveux autonome au cours de la fibromyalgie, serait expliqué par des traumatismes psychiques, intenses et/ou prolongés et expliquerait les douleurs chroniques, la fatigue, les troubles de l’humeur, du sommeil, les troubles digestifs et le déconditionnement physique. De nombreux travaux rapportent encore aujourd’hui des anomalies de la réponse au stress au cours de la FM. On a signalé une perte du cycle nycthéméral du cortisol, une diminution de la sécrétion globale des 24 heures, et nombre de pics de cortisol en 24 heures moindre que chez les sujets sains [44]. Ces résultats ne sont pas confirmés par une autre étude [54] qui montre en revanche une corrélation entre le taux de cortisol (au réveil et une heure après le réveil) avec la douleur ressentie à ces mêmes moments.
Ces travaux relatifs au système hypothalamo-hypophyso-surrénalien dans la FM sont contradictoires, ambigus, et ne peuvent fonder une hypothèse physiopathologique générale.
Plus intéressante est la diminution de l’insulin-like growth factor (IGF-1) qui traduit un déficit d’hormone de croissance (GH) [46]. GH est normalement synthétisée au cours des phases 3 et 4 du sommeil, lesquelles sont perturbées dans la FM, si bien que la diminution constatée apparaît plus comme une conséquence de la maladie que comme un évènement causal.

L’offre thérapeutique

Les médicaments

Maladie mal comprise, la FM a fait l’objet d’un nombre considérable de tentatives thérapeutiques [47].
La plupart de ces tentatives ont donné lieu à des échecs, ou à des résultats incertains et non confirmés. Il en est ainsi des anti-inflammatoires non stéroïdiens, des corticostéroïdes, des anxiolytiques, des hypnotiques et des myorelaxants, mis à part la cyclobenzaprine (également antidépresseur) qu’une méta-analyse récente [48] a montré douée d’une activité significative, mais modeste et partielle (sur le sommeil).
En outre, pour les médicaments montrant une quelconque activité dans les essais, la portée clinique des résultats est difficile à prévoir dans cette maladie, de par l’effet que leur imprime le choix du critère principal. Ainsi, un médicament peu actif quand on l’évalue sur la douleur peut être apprécié des malades par son effet dissocié sur le sommeil, la fatigue, le bien être. L’inverse peut aussi se voir.

Les Antalgiques
L’usage des antalgiques est logique dans cette maladie dont la douleur est un symptôme capital, mais le paracétamol est habituellement inactif, et la morphine, qui a un effet inconstant, ne saurait être utilisée de façon prolongée dans une telle indication. Le tramadol, doué d’une activité opioïde et noradrénergique s’est par contre montré efficace dans un essai à court terme [49] et son intérêt vient d’être réaffirmé par une étude sur l’effet de l’association tramadol-paracétamol sur un index de qualité de vie chez les fibormyalgiques [50].

Les antidépresseurs
Les antidépresseurs sont les médicaments qui ont donné le moins de déception dans le traitement de la FM, et restent actuellement les plus utilisés.
L’amitriptyline, antidépresseur tricyclique, est employée depuis le début des années 80 [51, 52], non pour sa propriété d’antidépresseur, mais en raison de son effet possible sur les troubles du sommeil, la fatigue, les troubles de l’humeur que manifestent souvent les fibromyalgiques. La justification actuelle d’emploi de ce médicament et des produits de la même classe est leur action modulatrice de la douleur au niveau des centres nerveux et non leur effet antidépresseur. L’amitriptyline est d’ailleurs utilisée dans la FM à des doses très inférieures à celles requises dans le traitement des dépressions. Pour éviter les effets secondaires des tricycliques, des inhibiteurs spécifiques de la recapture de la sérotonine (IRS), fluoxetine [53], citalopram [54], ont été aussi proposés.
Une méta-analyse portant sur 13 essais contrôlés [55] atteste de l’effet bénéfique de ces médicaments. Cet effet, qui s’observe globalement 4 fois plus chez les malades recevant le produit actif que chez les témoins, est indépendant de l’existence d’une dépression. Il est cependant plus marqué sur la fatigue, le sommeil, le bien être, que sur la douleur qui est peu influencée.
Cette insuffisance de l’effet antalgique a conduit récemment à l’essai de molécules qui inhibent conjointement la recapture de la sérotonine et de la norépinéphrine (IRSNA). La duloxetine, dans un essai contrôlé multicentrique chez 207 patients pendant 12 semaines [56] s’est montrée efficace sur les symptomes de la FM et sur la sévérité de la douleur, chez environ 60% des patients et sans relation avec une éventuelle dépression. La venlafaxine a montré le même type de résultats dans une étude ouverte plus ancienne [57]
Le milnacipran, qui se signalerait par un effet préférentiel sur la recapture de la norépinéphrine et se lierait en outre aux récepteurs du NMDA, a été testé dans un essai contrôlé portant sur 125 patients, à doses progressives et suivant deux schémas posologiques différents [58]. Le milnacipran s’est montré significativement efficace sur la douleur, la fatigue, le bien être, mais non sur les troubles du sommeil. La prise biquotidienne était plus efficace sur la douleur que la prise unique. Fait remarquable l’amélioration était statistiquement plus importante chez les malades non déprimés que chez ceux qui souffraient d’une dépression concomitante.

Autres médicaments

Parmi les anti-épileptiques, aujourd’hui largement utilisés pour le traitement des états douloureux chroniques, la pregabaline a fait l’objet d’un essai contrôlé dans la FM [59]. Il en ressort que ce produit est efficace sur la douleur (29% des patients traités obtenant une diminution d’au moins 50% de l’intensité douloureuse) ainsi que sur la fatigue et la qualité du sommeil. Mais les effets secondaires les plus fréquents, somnolence et vertiges atteignent respectivement 1/3 et 2/3 des patients à la dose efficace.
Des résultats comparables sont rapportés dans une étude d’un agoniste de la dopamine, le pramipexole [60]. Dans ce travail qui porte sur 60 patients pendant 14 semaines, la douleur est diminuée de plus de 50% dans 42% des cas, mais avec une bonne tolérance.


Les traitements non médicamenteux

S’il est difficile de faire la part des choses dans ce domaine, un consensus se dégage cependant de la littérature. Les approches multidisciplinaires sont largement recommandées mais représentent probablement des programmes très différents selon les pays et les types de prise en charge.
Actuellement, différents programmes sont évalués associant aux traitements médicamenteux des exercices physiques, de l’éducation et une thérapie cognitive et comportementale. L’analyse de la littérature est ardue compte tenu de la méthodologie des essais non médicamenteux (pas de double aveugle, groupes contrôles difficiles à accepter pour les « patients-listes d’attente », durée longue des études, programmes très variables, expérience des thérapeutes peu détaillée...) [61, 62]. Une analyse exhaustive en a été réalisée [63], qui inclut tous les essais cliniques portant sur les approches multidiciplinaires. Les 17 études analysées (dont 10 études contrôlées et 7 études non contrôlées) montrent une efficacité de ces programmes multidisciplinaires. Les résultats sont positifs en terme de douleur (mais pas dans tous les essais et de façon modérée), de sommeil, d’indices fonctionnels, de fatigue, de qualité de vie, d’auto-efficacité. Une autre méta-analyse de ces mêmes études [43] aboutit à des conclusions comparables. De plus en plus d’auteurs soulignent l’importance de programmes multidisciplinaires intégrant des stratégies individualisées. En effet, l’observance des traitements est corrélée à la faible discordance de point de vue, sur l’état de santé du patient, entre le médecin et son patient ainsi qu’à une faible détresse psychologique [65].
Les exercices ont fait la preuve de leur efficacité, particulièrement, de type aérobie et en milieu aquatique [66], ainsi que les étirements musculaires [64, 67]. Dix sept études, totalisant 724 patients, sont répertoriées dans l’analyse de la dernière revue Cochrane (actualisation 2006) [67]. L’amélioration est surtout observée sur la douleur, la pression des points douloureux et les performances aérobies. Lorsque les exercices sont associés à d’autres thérapeutiques (éducation, biofeedback), l’amélioration porte aussi sur le sommeil, la fatigue et le bien-être général des patients.
Les thérapies cognitives et comportementales ont montré leur efficacité en terme de douleur, de fonction, de fatigue, d’humeur dans des études randomisées et contrôlées. Il s’agit d’études d’une durée variant de 6 à 30 mois. Les groupes contrôles sont constitués en général des patients d’une liste d’attente, ou d’un groupe éducation [62, 63, 64].
Les techniques de relaxation avec imagerie mentale, biofeedback ou hypnose ont été évaluées au cours d’essais, moins nombreux [43].
L’acupuncture est très étudiée dans la FM. Cinq études publiées entre 2005 et 2006 montrent cependant des résultats contradictoires (3 positives et 2 négatives). Parmi ces 5 études, deux sont de bonne qualité méthodologique et montrent une efficacité de l’acupuncture avec un suivi à 6 mois [68, 69].

Conclusions

Les états douloureux chroniques ont été bien étudiés depuis le XIXème siècle. En l’absence d’anomalies décelables on parlait de « troubles fonctionnels ». Depuis 1977, ces états sont pour la plupart regroupés sous le nom de fibromyalgie ou syndrome fibromyalgique, seules dénominations retenues actuellement au plan international. La fibromyalgie figure à la classification internationale des maladies (CIM) de l’OMS, à la fois au titre des maladies de l’appareil locomoteur et au titre des affections psychiatriques (troubles somatoformes).
La mise au point de critères de classification par l’American College of Rheumatology (ACR) en 1990 a ouvert la voie à un très grand nombre de publications et permis d’identifier les patients à partir des données de l’interrogatoire et de la mise en évidence de points douloureux à la pression, la fibromyalgie étant reconnue si les douleurs diffuses, présentes depuis plus de 3 mois, sont associées à une douleur à la pression d’au moins 11 points sur 18.
L’absence de signes objectifs et d’examens complémentaires caractéristiques a fait penser que les troubles évoqués n’étaient que l’expression d’un mal-être psychologique et social, parfois déclanché par un état de stress post-traumatique, et que l’emploi même du terme médical de fibromyalgie ne pouvait qu’aggraver les choses, en inquiétant les patients et en favorisant des conduites revendicatrices.
Un large consensus existe cependant aujourd’hui pour considérer que (même sans le nombre précédemment exigé de points douloureux) le syndrome fibromyalgique est une réalité clinique qu’il faut admettre comme autonome, une fois éliminées les autres affections qui peuvent se révéler par un syndrome douloureux chronique (affections dont la recherche justifie : tests d’inflammation, recherche d’un diabète, dosage de la calcémie et de la phosphorémie, sérologie rhumatoïde, recherche d’anticorps antinucléaires, dosage des transaminases, des hormones thyroïdiennes, des enzymes musculaires). Les problèmes psychiatriques sont, certes, constants, avec des éléments dépressifs et anxieux, mais ils ne sauraient à eux seuls résumer ce syndrome, même s’ils doivent toujours être pris en charge.
Les comorbidités avec d’autres symptômes médicalement inexpliqués, comme la colopathie fonctionnelle, le syndrome de fatigue chronique, les cystalgies à urine claire doivent également être pris en considération.
La douleur de la fibromyalgie est habituellement attribuée à une diminution du seuil de sensibilité douloureuse, dont l’origine centrale a été évoquée, en raison notamment de la mise en évidence d’anomalies de l’imagerie fonctionnelle cérébrale.
Une prise en charge personnalisée et une explication du syndrome sont profitables aux patients souvent persuadés d’avoir une maladie inquiétante, et ne les aggrave pas comme certains ont pu le craindre.
En l’absence de lésions objectives de l’appareil locomoteur, le simple diagnostic de fibromyalgie ne peut donner lieu, automatiquement, à la reconnaissance d’une invalidité ni aux avantages des affections de longue durée. À titre individuel un handicap peut cependant être reconnu dans certaines formes sévères du syndrome, nécessitant une prise en charge prolongée médicopsychologique et de rééducation.

Recommandations

La Fibromyalgie correspond à une entité clinique, fonctionnelle, faite de douleurs diffuses chroniques apparemment inexpliquées. Ce syndrome ne correspond pas à une maladie mais doit être évoqué sans polémique sur sa nature, pour éviter les examens et traitements inutiles. Il ne peut être retenu qu’après avoir éliminé des pathologies organiques avec lesquelles il peut être confondu ou associé.

Les patients, dont l’approche est souvent complexe et la prise en charge difficile, ne doivent pas être rejetés, mais au contraire pris en charge de façon individualisée et le plus souvent multidisciplinaire (rhumatologue, psychiatre, rééducateur….).

Il n’existe pas de profil psychologique spécifique, ni de preuve permettant de rapporter ce syndrome à une origine uniquement psychogène. Un contexte de tension émotionnelle, d’anxiété et de dépression est cependant constant et impose une prise en charge particulière.

Le diagnostic de fibromyalgie annoncé et expliqué au patient, n’aggrave pas ses troubles, qui peuvent exister indépendamment de la recherche d’une reconnaissance médicale et sociale ou de compensations financières.

Les troubles fonctionnels ne correspondent à aucune anomalie objective des structures de l’appareil locomoteur. Ils ne peuvent être responsables d’un handicap définitif ni de lésions fixées Le diagnostic de fibromyalgie n’implique donc pas par lui-même l’obtention d’une mise en invalidité ni les avantages d’un statut d’affection de longue durée.

Il convient cependant, d’éviter une attitude trop dogmatique. En effet, la diversité des présentations cliniques forme un spectre continu allant des formes les plus discrètes aux formes les plus sévères. Ces dernières, peu fréquentes, peuvent justifier à titre individuel et après avis d’expert la prise en charge qui convient aux maladies invalidantes, permettant d’adapter le traitement aux besoins du patient.

Dans tous les cas, le maintien d’une activité professionnelle est souhaitable et doit tenir compte de la gêne fonctionnelle, en adaptant le poste et les horaires de travail.

Des recherches sont encore indispensables pour mieux comprendre l’origine des douleurs et des nombreuses plaintes de ces patients, et améliorer la prise en charge thérapeutique. Il en est ainsi :

- des bienfaits de la rééducation qui sont certains, mais des programmes appropriés et des thérapies cognitives et comportementales, doivent être mis au point, parallèlement aux programmes d’éducation.

- des formes de l’enfant, des formes de l’homme, des formes associées à l’arthrose, à l’obésité, à d’autres maladies auto-immunes ou virales, et des formes familiales, qui doivent faire l’objet d’études cliniques complémentaires.

- des études génétiques qui doivent être poursuivies, celles qui portent sur le polymorphisme des gènes des systèmes sérotoninergiques et des catécholamines ayant donné des résultats intéressants. Il faut y associer la prise en compte d’éventuels facteurs d’environnement.

- de l’imagerie cérébrale qui, en montrant des anomalies du contrôle de la sensibilité par le système nerveux central, a permis de progresser dans la compréhension de ce syndrome polyalgique diffus, mais dont les résultats doivent être confirmés, et précisés quant à leur signification.


ANNEXES

ANNEXE 1

"Les points douloureux de la fibromyalgie selon les critères de classification de 1990. Les Trois Graces, par Jean Baptiste Regnault (1793), Musée du Louvre.
Avec l'autorisation d'Arthritis and Rheumatism."

ANNEXE 2


QUESTIONNAIRE DE MESURE DE L’IMPACT DE LA FIBROMYALGIE
QIF



Nom : _________________________________




Date :___ /___/____



Les questions qui suivent ont pour objectif de mesurer les conséquences de votre fibromyalgie sur votre santé. Les réponses que vous fournirez à ce questionnaire nous permettront de mieux connaître l’impact de votre maladie sur votre vie de tous les jours.

Merci de bien vouloir répondre à toutes les questions :

-soit en mettant une croix X dans la case correspondante à la réponse choisie. Si vous ne savez pas très bien comment répondre, choisissez la réponse la plus proche de votre situation.

-soit en indiquant d’un trait l’endroit où vous vous situez entre deux positions extrêmes, comme dans l’exemple ci-dessous :


_________________________│______________________
aucune douleur douleurs très importantes



Burckhardt CS, Clark SR, Bennett RM. The Fibromyalgia impact Questionnaire : development and validation. J Rheumatol 1991 ; 18 : 728-33.

Perrot S, Dumont D, Guillemin F, Pouchot J, Coste A and The « French Group For Quality Of Life Research ». Quality Of Life In Women With Fibromyalgia Syndrome: Validation Of The Qif, French Version Of The Fibromyalgia Impact Questionnaire. J Rheumatol. 2003; 30:1054-9.



(QIF) – page 1

1-Étes-vous capable de :(Veuillez entourer le numéro qui décrit le mieux l’état général dans lequel vous vous trouvez actuellement)

ToujoursLa Plupart du tempsDe temps en tempsJamaisFaire les courses ?0123Faire la lessive en machine ? 0123Préparer à manger ?0123Faire la vaisselle à la main ?0123Passer l’aspirateur ? 0123Faire les lits ? 0123Marcher plusieurs centaines de mètres0123Aller voir des amis ou la famille ? 0123Faire du jardinage ? 0123Conduire une voiture? 0123Monter les escaliers ?0123


Au cours des 7 derniers jours,

2. Combien de jours vous-êtes vous senti(e) bien ?

01234567
Si vous n’avez pas d’activité professionnelle, passez à la question 5

3. Combien de jours de travail avez vous manqué à cause de la fibromyalgie ?

01234567

4. Les jours où vous avez travaillé, les douleurs ou d’autres problèmes liés à votre fibromyalgie vous ont-ils gêné (e) dans votre travail ?
_______________________________________________
aucune gêne gêne très importante

(QIF) – page 2


Au cours des 7 derniers jours,


5. Avez vous eu des douleurs ?
_______________________________________________
aucune douleur douleurs très importantes


6. Avez-vous été fatigué (e) ?
_______________________________________________
Pas du tout fatigué (e) Extrêmement fatigué(e)



7. Comment vous êtes-vous senti(e) le matin au réveil ?
_______________________________________________
tout à fait reposé (e) au réveil extrêmement fatigué (e) au réveil


8. Vous êtes-vous senti(e) raide ?
_______________________________________________
Pas du tout raide Extrêmement raide



9. Vous êtes-vous senti(e) tendu(e) ou inquiet(e) ?
_______________________________________________
Pas du tout tendu(e) Extrêmement tendu(e)



10. Vous êtes-vous senti(e) déprimé(e) ?

_______________________________________________
Pas du tout déprimé(e) Extrêmement déprimé(e)
*
* *

L’Académie, saisie dans sa séance du mardi 16 janvier 2007, a adopté à l’unanimité le texte de ce rapport (moins une abstention).
Pour copie certifiée conforme,
Le Secrétaire perpétuel,

Professeur Jacques-Louis BINET
lundi 22 janvier 2007

Tag(s) : #La maladie
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